Najib Mikou

Notre pays fait actuellement face à deux défis majeurs structurellement différents de ceux auxquels il s’est successivement heurté ces 4 dernières années.

Si le Covid 19, la sécheresse, la guerre d’Ukraine, l’inflation et le séisme du Haouz sont tous des défis exogènes dont il a subit de plein fouet, les foudres dévastateurs et qu’il a néanmoins su géré avec une compétence, une cohésion et une résilience exceptionnelles, les deux défis d’aujourd’hui sont par contre, à caractère strictement endogène et à rejaillissement national et international conséquent.

Le 1er consiste à devoir inverser la courbe d’une croissance économique molle, fragile et faible depuis plus de dix années, qui crée très peu d’emplois et de richesses et s’inscrit en décalage total par rapport au rayonnement international de notre pays.

Le 2ème consiste à devoir honorer nos engagements internationaux de 2025 et 2030, certes en matière de sport, mais également leurs corollaires multidimensionnels autrement plus coûteux et complexes.

Si tout donne à rassurer sur l’aboutissement du 2ème défi en raison d’un savoir-faire bien établi, d’atouts considérables prouvés et de ressources financières déjà identifiées, le 1er défi inquiète plus d’un, tellement les initiatives, les tentatives et la mobilisation sont grandes, mais le résultat est bien en deçà des espérances et qui plus est, ne présage pas d’une sortie proche du tunnel.

Que faire pour se sortir de ce taux de croissance-piège qui plombe notre envole et nous fait douter de nos capacités distinctives, pourtant connues et reconnues ?

Une certitude, trois préalables, cinq clés et quatre propulseurs peuvent constituer des leviers pour inverser la vapeur vers des horizons économiques qui concordent avec nos succès et perspectives politiques :

I- La certitude :

Devoir abandonner toutes les convictions et les solutions d’hier et d’aujourd’hui auxquelles on continue de s’attacher ardemment comme étant la panacée, alors que leurs résultats prouvent absolument le contraire. En Économie il n’y a pas de règles figées ni de certitudes éternelles. Il n’y a que du pragmatisme et des boîtes à outils où l’on puise sans état d’âme ni naïveté, et dont l’unique critère d’utilisation est l’impact probant sur notre machine économique et sur nos citoyens. Il faut totalement sortir du carré “libéralisme toute” où on s’est mis, il faut s’en libérer, il faut prendre le grand large de l’intelligence économique universelle là où elle a réussi et sans modération.

II- Les trois préalables :

1- définir selon des ambitions fortes et mener concomitamment, avec un pilotage compétent, ramassé et mordant, nos trois transformations à savoir, la transformation numérique, la transformation énergétique et la transformation écologique. Il ne s’agit là ni de transitions ni de mutations, mais bien de véritables transformations, tellement l’enjeu majeur n’est pas de bricoller des mesurettes de suiveur, mais de faire de notre pays un acteur, un leader en ce 21ème siècle où se rebattent les cartes sans merci à l’échelle internationale.

2- bien asseoir et réussir notre État Social et nos réformes de l’Enseignement et de la Santé ;

3- réaliser avec la plus grande diligence et compétence, les grands chantiers de la Nation en matière d’infrastructures hydriques, portuaires, aéroportuaires, routières, ferroviaires, urbanistiques ….etc.

III- Les cinq clés qu’il faudrait activer entièrement en cette année 2024 :

1- la “vente” de la nouvelle Charte d’Investissement à l’échelle nationale et internationale, par une Task-force compétente et patriote dédiée, qui fasse connaître ses nouveautés directement, sans écran, aux opérateurs actuels et potentiels, de façon à booster par tous les moyens nécessaires, les énergies là où elles puissent se trouver, afin d’attirer l’investissement, l’intelligence et la créativité du privé vers tous les domaines ciblés et lui faire prendre la position prédominante qui doit absolument être la sienne ;

2- la création de Centres Locaux d’Accompagnement relevant des banques par souci d’opérationnalité immédiate et d’efficacité, qui soient ouverts à tous les porteurs d’idées, les porteurs de projets, les opérateurs économiques plus particulièrement, les TPE/PME, dont l’objet est leur accompagnement dans la formulation de leurs idées, dans le montage de leurs projets d’investissement et dans la gestion de ces projets. Ces Centres vont jouer trois rôles au moins à savoir, l’aide opérationnelle à la création du plus grand nombre d’entreprises, la supervision opérationnelle de ces entreprises jusqu’à leur maturité et la réduction substantielle de leur taux de mortalité ;

3- la finalisation et la mise en place diligente, de la nouvelle stratégie industrielle du pays qui est en cours de préparation d’arrache-pied et avec beaucoup d’art et de manière. Elle devra traduire les grandes ambitions du Maroc en ce domaine nodal, aussi bien à l’échelle régionale, nationale, continentale qu’internationale, pour au moins les dix prochaines années, en y prévoyant bien entendu, une clause de rendez-vous annuel pour y introduire les actions de recadrage qui s’imposeraient au fur et à mesure des mises en œuvre et des résultats ;

4- l’orientation de moyens conséquents, quel qu’en soit le coût, vers les secteurs traditionnellement créateurs massifs d’emplois et de valeur ajoutée à savoir, l’habitat, l’industrie agro-alimentaire, le tourisme, le textile, l’agriculture familiale et intensive, l’économie sociale et solidaire.

5- un véritable engagement pour le développement des exportations afin de tirer pleinement profit des opportunités qui s’offrent à notre pays à travers ses accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux et plus particulièrement celui de la ZLECA.

Quatre actions peuvent secouer tout notre potentiel dormant en ce domaine, à savoir :

1- faire connaître à nos opérateurs économiques et à nos partenaires étrangers, le détail de nos Accords Commerciaux, dont celui de la ZLECAF, pour qu’ils en saisissent toutes les opportunités ;

2- activer la création d’une compagnie maritime Afrique/Moyen-Orient, dans le cadre d’un consortium international constitué avec des pays partenaires stratégiques, et soutenir la création de sociétés nationales de transport routier de marchandises vers l’Afrique ;

3- inventer un nouveau régime incitatif à l’export qui s’inspire de ceux préconisés par nos concurrents et par les grandes nations exportatrices. Il faut se débarrasser des approches purement administratives et comptables qui étouffent et dissuadent les énergies. De même qu’il faut accorder des avantages fiscaux et financiers conséquents aux exportateurs pour leur permettre de compétiter à armes égales avec leurs concurrents sur les marchés internationaux, et appeler les banques à développer une intelligence économique en “toile d’araignée” qui soit moderne, efficace et accessible à tous ;

4- inciter par tous les moyens financiers et fiscaux, à la création de Sociétés privées qui mutualisent les Approvisionnements et la Commercialisation (SAC) des TPE/PME et Coopératives. De telles sociétés qui doivent répondre parfaitement aux exigences de moyens, de compétence et d’organisation pour pouvoir bénéficier desdits avantages, auront le double rôle de renforcer la compétitivité de nos TPE/PME/Coopératives à travers des achats d’intrants de grande qualité et aux meilleurs prix sur le marché local et les marchés internationaux, et d’agréger leur offre de marchandises pour profiter d’opportunités commerciales nationales et internationales de plus en plus concentrées, auxquelles jamais une TPE ou une coopérative ou même une PME ne pourra accéder toute seule. Ce seront de véritables Centrales d’Achats et de Ventes à la disposition des TPE/PME et Coopératives, dont elles seraient actionnaires et dont le Capital pourrait être également ouvert à des opérateurs internationaux porteurs de valeur ajoutée à leur objet. Elles devraient être conçues pour être cotées en bourse à terme.

IV- Les quatre propulseurs :

Toute la dynamique économique recherchée ici, repose sur quatre propulseurs que sont le propulseur Cohésion Sociale, le propulseur Jeunesse, le propulseur Classe Moyenne et le propulseur Monde Rural. Ils doivent être tous les quatre réunis, tout aussi la plaque tournante que la cible de l’offre et de la demande, du développement économique et social, d’un Produit National du Bonheur plus affirmé et en constante évolution.

Aucune politique économique ne peut avoir de sens, de consistance ni être juste, équitable et viable, si elle n’est pas portée par ces quatre propulseurs et conçue pour eux.

Le décalage entre notre positionnement politique époustouflant et nos carences économiques démoralisantes, est effarant. Rien, absolument rien ne le justifie. Il est grand temps de rectifier le tir économique pour pouvoir arrimer son temps à celui politique. Ne laissons pas le vent nous guider à sa volonté. Les défis traversés très récemment et relevés avec un brio éblouissant, nous ont appris combien on est capables d’être la mer, le navire et le vent.