Najib Mikou
Dans une démarche salutaire d’institutionnalisation du Dialogue Social, le Gouvernement a repris depuis le 26 mars dernier, une nouvelle série de réunions avec les Centrales Syndicales les plus représentatives et la CGEM, pour échanger cette fois, sur des sujets sociaux de la plus haute importance, dont le Pouvoir d’achat, le droit de grève et la réforme des retraites. La perspective étant de parvenir à des décisions qui soient de nature à renforcer notre cohésion sociale et à améliorer la compétitivité de nos entreprises et les performances de notre Économie.
En marge de ce moment social et économique fort, je prends l’initiative de remettre sur la table, l’épineuse et complexe réforme des retraites, tellement ses enjeux sociaux, économiques et financiers sont énormes, tellement les choix et les arbitrages qu’elle peut offrir, ne sont nullement aisés.
Faut-il faire supporter la réforme au salarié et au retraité ou faut-il le faire assumer par l’État et l’entreprise ou encore par les deux compartiments Capital et Travail à la fois ?
C’est autant d’enjeux et de questions qui n’autorisent ni précipitation ni populisme gratuit et qui appellent un sens aigu de responsabilité et de vigilance.
Ce dont il est question aujourd’hui c’est que les fonds des Caisses de retraites ne sont pas élastiques à souhait, tellement il y a moins de travailleurs pour un retraité et donc l’on risque à un horizon immédiat, de ne plus avoir suffisamment de fonds pour honorer les pensions de retraites.
Je me permets de supposer ici que si ce dossier a pris autant de temps c’est que l’on a tous été piégé à tourner autour des mêmes solutions en circulation depuis assez longtemps. Il me paraît donc, plus judicieux de prospecter des voies et moyens en dehors du “carré” actuel.
Sortir du carré c’est voir dans quelle mesure l’on puisse réformer sans pénaliser ni le Capital, en raison du manque de moyens aussi bien chez l’Etat que chez l’entreprise, ni le Travail, en raison du niveau actuel aussi bien des salaires que des pensions.
Sortir du carré c’est porter le focus sur de nouveaux propulseurs, dont je citerai le propulseur de la “longévité” des marocains qui frôle les 80 ans maintenant, le propulseur de gestion des Caisses de retraites, et enfin le propulseur de l’intégration de l’Économie informelle.
1- Propulseur “longévité” et son corollaire, l’âge de départ en retraite :
L’âge de départ en retraite à 60 ans est là depuis que la longévité au Maroc était autour de 49 ans. Tout a changé : le mode de vie, les moyens, les conditions de travail, la santé, l’état d’esprit, les rapports sociaux, la durée de vie …etc. Bref, TOUT. Et donc rien ne justifie plus aujourd’hui un départ en retraite à 60 ans pour l’homme. Cet âge doit être porté pour celui-ci à 65 ans obligatoire et à 67 ans optionnel. Quant à la femme, et en raison de la pénibilité de toutes ses contraintes personnelles et de ses engagements familiaux, sociaux et professionnels, elle devrait prendre sa retraite à 55 ans obligatoire et à 57 ans optionnel.
Cette mesure pèsera fortement dans l’équation réforme des retraites à travers l’augmentation substantielle et automatique de la masse additionnelle des contributions salariales et patronales qui seraient versées aux Caisses de retraites.
2- Propulseur “Gestion des Fonds des retraites” :
Il s’agit là du fruit des contributions de plusieurs générations de fonctionnaires de l’État et de salariés du secteur privé, accumulées sur plusieurs décennies de labeur qui atteignent plusieurs centaines de milliards de Dhs. Ne serait-ce pas plus judicieux de prospecter plutôt de nouveaux moyens d’optimiser leur fructification au grand profit de l’Économie nationale et des retraités, au lieu d’aller demander encore plus d’efforts et de sacrifices aux salariés, aux retraités, aux entreprises et à l’État ?!!
Dans cette perspective, il est proposé ce qui suit :
• Mutualisation de la gestion de l’ensemble des fonds des Caisses de retraite publiques et privées à travers la création d’un Fonds Commun d’Investissement qui soit géré par une S.A côtée en bourse, et dont l’actionnariat serait ouvert au grand public résident au Maroc et à l’étranger.
• Recherche de l’argent là où il se trouve à flot en orientant l’argent dudit Fonds vers des placements novateurs et plus rentables à travers notamment :
– le rachat partiel ou total d’une banque publique ou privée de la place,
– le rachat d’une compagnie d’assurance de la place,
– l’investissement dans des fonds et projets de l’Etat et/ou pour le compte de l’Etat, certifiés rentables,
– le placement classique dans des OPCVM, Bons du Trésor, titres cotés en bourse … etc,
• Soutien des Caisses de retraite publiques par une taxe parafiscale de 0,7% à l’importation.
3- Propulseur “intégration de l’Économie informelle” :
Il s’agit là d’un gisement dormant à plus d’un titre, qui peut être secoué par la mise en œuvre d’une réforme intégrative de quelques millions d’entreprises et de … travailleurs dans l’Économie formelle, en trois étapes complémentaires qui s’enchaînent :
• une 1ère étape d’amnistie de 3 ans pour permettre à l’ensemble des opérateurs de cette Économie de s’y préparer,
• une 2ème étape de déclaration des salariés à la CNSS qui durera 3 ans, à raison de 1/3 du taux par an,
• et une 3ème étape de paiement graduel de l’IS ou de la contribution minimale sur 4 ans.
Nul besoin de rappeler ici tous les avantages de cette intégration sur l’Économie nationale, sur les recettes fiscales de l’Etat, sur les Caisses de retraites et sur tous nos salariés et fonctionnaires.
Il est à relever pour conclure, que tout ce dispositif alternatif de sauvetage des Caisses de retraites, ne repose en rien ni sur le Capital ni sur le Travail. Bien au contraire, il préserve leur situation actuelle et permet aux Caisses de retraites de devenir un grand acteur de l’Économie nationale et un garant pérenne de pensions de retraite dignes, sans que cela ne soit au dépend des salariés et retraités actuels et des générations futures.