Peut-on hériter du traumatisme vécu par un parent ? Peut-être, répondent les généticiens, qui découvrent sans cesse des exemples de transmissions héréditaires n’affectant pas l’ADN. De quoi remettre en cause la théorie darwinienne ?

Années 1930 : la “théorie synthétique de l’évolution” unifie la théorie de l’évolution et les lois de transmission des caractères héréditaires établies par Mendel en 1866. On sait désormais que la sélection naturelle s’exerce sur des variations aléatoires chez les organismes vivants. Une nouvelle discipline étudie leur diffusion au sein des populations, avec des outils mathématiques : la génétique des populations. La découverte de l’ADN comme support de l’hérédité, puis celle de sa structure en double hélice en 1953 marqueront le triomphe du tout-génétique. “L’hérédité des caractères acquis” avancée notamment par Jean-Baptiste de Lamarck semble définitivement disqualifiée.

Les progrès couplés de la génétique et de la biologie moléculaire vont cependant rapidement révéler que le seul code génétique déterminé par l’agencement des quatre “lettres” AGTCne suffit pas pour expliquer le fonctionnement des gènes. Il faut prendre en compte un autre paramètre : l’épigénétique – le préfixe épi signifie “autour de” en grec. Le terme a été créé dans les années 1940 par le biologiste britannique Conrad Waddington. “Il désignait alors les processus causaux qui permettent de passer du génotype, autrement dit du code génétique, au phénotype, c’est-à-dire aux caractères apparents, explique Arnaud Pocheville, philosophe des sciences au laboratoire Évolution et diversité biologique à Toulouse. Il a ensuite été utilisé pour désigner ce qui s’accroche à l’ADN.”

L’importance de la méthylation

Les biologistes recensent près de 250 types de cellules dans notre organisme – peau, cerveau, sang… – qui ne se ressemblent guère. Elles possèdent pourtant toutes le même matériel génétique, issu de la fusion des gamètes femelle et mâle lors de la fécondation. Si leur aspect et leurs fonctions diffèrent, c’est parce que certains gènes s’expriment et d’autres non. Cette régulation des gènes, qui dépend beaucoup de l’environnement (température, disponibilité des nutriments, stress… ), implique des mécanismes épigénétiques.

Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°208 daté janvier/ mars 2022.